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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

— Il faut me pardonner, répondit-il en souriant. Oh, sois tranquille, je pensais bien à toi… Mais j’ai été retenu là-bas plus longtemps que je ne le voulais…

— Où est-ce que c’est, là-bas ?

— Oh, loin d’ici, dans un endroit que tu ne connais pas…

— Et qu’est-ce que tu faisais là-bas ?

Il demeura interdit dans l’affreuse vision que cet interrogatoire d’enfant ramenait brusquement devant ses yeux. Mais prenant sur lui, il chassa l’horrible spectre de la guerre. Aujourd’hui, il voulait tout oublier :

— Montons sur ce brise-lames, dit-il en soulevant la petite dans ses bras. Nous allons un peu voir là-bas si la mer osera nous mouiller les pieds.

— Oh oui, ça sera amusant !

Elle blottissait sa tête dans le cou du jeune homme, tout son joli corps secoué d’un frémissement craintif et joyeux :

— Oh, que j’ai peur ! dit-elle en riant. Regarde, je ferme mes yeux !

Et les lèvres collées sur la joue du soldat, heureuse, elle se laissait emporter au bout des fascines, à la rencontre des vagues que la mer poussait et rentraînait tour à tour dans le bruissement des mille petites voix cristallines de l’écume fondante…