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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

voisins. Cela tombait à merveille en la circonstance et Thérèse eût bientôt fait d’installer la chambre d’Hippolyte dans la demeure attenante. Elle avait bien songé d’abord à loger le soldat dans leur chambre d’ami, mais elle s’était promptement ravisée à la réflexion que le jeune homme serait plus à l’aise dans les appartements de sa sœur. Après cela, pensait-elle peut-être aussi que « c’était plus convenable » en l’absence de son mari…

Hippolyte n’était arrivé que fort tard dans la soirée et lorsque les petits et les bonnes dormaient déjà profondément. Seule, Thérèse l’attendait et la rencontre avait été émouvante, mouillée de douces larmes.

Le soldat était éreinté. Il avait le teint jaune, la joue creuse, les yeux enfoncés, éteints, la bouche serrée.

Son uniforme délavé, sale, était rempli de pièces et tenait presque de la défroque enlevé à quelque épouvantail.

Il s’excusa d’être si mal vêtu et si peu bavard tout en dévorant, d’une faim qu’il s’efforçait en vain de rendre moins gloutonne, les petits plats qu’elle lui servait avec empressement, un doux sourire de compassion sur les lèvres :

— Ne t’inquiète pas de moi. Mange, mange donc !

Une fois restauré, il tint à s’informer des enfants et en particulier de sa filleule ; puis, dans la peur de succomber à sa lassitude, il se leva