Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
LE ROMAN D’HIPPOLYTE

en ce moment. Elle était munie d’une grande patience et la solitude ne lui pesait guère, non plus que l’absence de son mari, qui l’avait du reste habituée au délaissement. Parfois, interrompant sa besogne, elle demeurait un instant à contempler l’extraordinaire animation de la plage. Ces coquettes en costumes clairs, ces galantins qui leur faisaient cortège, cette jeunesse tapageuse ne pensant qu’au plaisir ; ces barques appareillant déjà pour la prochaine marée, tout l’étonnait comme une sorte de mirage. Une telle oasis d’insouciance et de sérénité était-elle possible à la cantonnade d’une horrible guerre ? Elle n’en croyait pas ses yeux.

Là-bas, dans les courts de tennis établis tout contre la mer qui se retirait, des bandes de jeunes gens bondissaient, baladins sportifs s’étudiant à des poses avantageuses, à de gracieux brandissements de raquette pour l’amour de partenaires enjuponnées. Ah, comme ils se moquaient ceux-là de l’affreuse invasion ! Que leur importait la guerre, pourvu qu’ils remportassent des « honneurs » au noble jeu de balle ! Et Thérèse les regardait avec stupeur, avec une infinie amertume aussi, pensant surtout à celui-là qui remplissait son devoir et se battait pour ces pleutres, pour ces inutiles, « pour ça », comme elle les nommait mentalement dans un accès de dégoût profond.

Hippolyte lui avait adressé de courts et affectueux billets en réponse à ses lettres, à ses menus envois de linge et de friandises. Sa dernière carte,