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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Il fallait l’avouer, certaines créatures osaient s’afficher avec ces honteux soldats. Ah, les filles de joie et le demi-monde n’étaient vraiment pas dégoûtés ! Sur ce sujet délicat, il n’y avait qu’une voix rue des Chartreux et ailleurs : de telles femmes étaient indignes ; nulle excuse ne pouvait atténuer l’ignominie de leur prostitution.

— Que voulez-vous, soupirait Joseph, les courtisanes ont dégénéré. Le temps n’est plus où les plus viles d’entre elles refusaient de coucher avec un ennemi, comme elles faisaient pour le bourreau…

Cette prétention de Malvina — la mégère non apprivoisée, comme l’appelait Joseph, — de passer le détroit pour se faire héberger par quelque lord Chesterfield voire à Buckingham Palace, ramenait naturellement la conversation sur les absents, c’est-à-dire sur tous ces Bruxellois paniqués qui continuaient à séjourner sur la côte ou s’étaient déjà réfugiés soit en Hollande ou en Angleterre, en attendant peut-être que leur épouvante les fit traverser l’Atlantique. On ne les jugeait pas avec une bien grande indulgence. Certes, il y en avait d’excusables, mais le nombre en était mince. On ne comprenait pas que les Posenaer, les Scheppens, les Verbruggen, d’autres encore, eussent passé la Manche avec tant de hâte. Ils avaient beau expliquer cette fuite par des raisons sentimentales, on était fixé sur