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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

On discutait « vivres ». Les hommes ne dédaignaient point de donner leur avis dans ces questions domestiques. D’ailleurs, ils savaient maintenant le prix de toute chose. Le moyen de ne pas regarder les vitrines des charcutiers et marchands de comestibles quand elles étalaient une telle profusion de nourriture ! Bon gré, mal gré, il fallait s’arrêter dans leur zone odorante, les contempler en artiste et surtout en gourmand. Était-ce une idée, mais il semblait que la guerre provoquât de terribles fringales. Jamais l’appétit n’avait été aussi vivement excité. Comment résister à ces boudins qui n’avaient pas le temps de refroidir et que les pratiques enfonçaient tout fumants dans leurs vastes poches. Quel défi à la tempérance !

Devant pareil amas de victuailles, toute appréhension de jeûne et de famine était impossible ; pour peu qu’on prolongeât son extase, une boulimie vous prenait et force était d’entrer dans la boutique, de se ruer en lard, cervelas, chair à saucisses, pâtés et autres cochonneries !

Rien de mieux ni d’aussi pittoresque pour le quart d’heure ; mais demain, quand le pays pressuré, vidé par l’envahisseur serait à bout de vivres, quand le pain, déjà si « mélangé », viendrait à manquer tout à fait…

Les fronts s’assombrissaient. Allons, il valait mieux parler d’autre chose.

Avait-on remarqué, comme l’on découvrait aujourd’hui de jeunes gens faibles de constitution ? Combien de parents, infatués de la belle