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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

mort le jour même où la petite Yvonne essayait ses premiers pas ; et bientôt, Jérôme, le bon vieux serviteur, avait succombé à son tour, dans une suprême crise d’asthme.

Cette double séparation plongea Thérèse dans un vif chagrin dont elle fut lente à se remettre.

Si la jeune femme avait perdu sa grâce de mousmé, son visage demeurait avenant, plein de fraîcheur et de jeunesse. Aussi bien, malgré l’embonpoint qui enchaîne souvent l’activité, elle restait très vive, très alerte et ne se reposait pas volontiers. Nulle maman qui s’occupât davantage de ses enfants ; aucune ménagère qui veillât plus soigneusement à la bonne tenue de sa maison.

Il était impossible que les relations de Thérèse avec Adolphine Kaekebroeck devinssent plus étroites ; leur tendresse réciproque, déjà si ancienne, ne connaissait aucun nuage, demeurait toujours aussi empressée et comme indispensable à l’existence l’une de l’autre. Joseph Kaekebroeck s’amusait parfois à les entendre bavarder ensemble, se faire mille confidences, parler enfants, ménage, toilette et chiffons comme si elles ne se fussent plus vues depuis des siècles, alors qu’elles s’étaient pourtant rencontrées la veille ou pas plus tard que ce matin, au marché Sainte-Catherine.

Il souriait à leur moulin :

— Deux femmes, répétait-il, avaient été enfermées dans le même cachot pendant dix longues années. Eh bien, voulez-vous croire qu’en