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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

En cet état d’esprit, on comprend qu’il supportait mal le moindre aveu d’une appréhension quelconque, et comme le pessimisme de son beau-frère Pierre Dujardin, surtout ce flegme malicieux avec lequel il défendait son point de vue, le mettaient parfois hors de patience. Lui, il se fût reproché de rien dire qui pût décourager personne ; il éprouvait cette injuste irritation qui retombe sur l’apporteur d’une mauvaise nouvelle.

Pierre était plutôt un résigné qui ne se faisait aucune illusion sur la durée de la guerre et ses rigueurs :

— Ne nous énervons pas, disait-il ; et puis c’est une triste occupation que la colère impuissante…

Mais Joseph enrageait contre ce mol « acceptisme » et le combattait avec passion. Il va sans dire que les femmes ne restaient pas muettes dans ces passes éloquentes et s’élançaient bravement à la rescousse de leurs époux quand ceux-ci leur paraissaient en mauvaise posture. Au fort de la discussion, il fallait entendre retentir la grosse voix d’Adolphine et ses superbes apostrophes auxquelles Hermance, toujours très maîtresse d’elle-même, opposait soudain un argument solide, bien réfléchi qui déconcertait la grande sœur par la facilité, l’élégance verbale avec laquelle il était exprimé. Heureusement, François Cappellemans, qui n’était ni un exalté ni un sceptique, savait apaiser la violence de ces