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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

et ce sont les Bruxellois qui les dévorent goulûment ! Comprend-on qu’on fasse à ces brutes l’honneur de les lire ! Quelle complaisance et quelle stupidité ! Car on ne vise qu’à nous démoraliser avec de fausses nouvelles…

Comme sa bile s’échauffait devant ces veules bourgeois obstruant l’impasse du Parc pour voir défiler les troupes au pas de parade ! Quelle honteuse attitude ! Lui, il ne leur accordait pas même sa curiosité. Aussi, fuyait-il la cité de luxe et ses spectacles déprimants pour flâner dans les quartiers populaires. Toutes ces figures de la rue Haute, si ouvertes, si bruyantes d’expression, lui décelaient maintenant quelque chose de sombrement passionné et de férocement satirique. Il n’y avait plus de gaîté et les cas d’ivresse étaient rares. Pour peu que ces « casques » qui patrouillaient à travers la foule silencieuse, fussent observateurs, ils devaient être convaincus que leur fameux Kaiser ne ferait jamais rien de cette Marolle-là. Nos « bougres » demeuraient calmes, non par soumission mais seulement par patience, cet autre courage. Que si un jour l’espoir devait leur être enlevé, alors ils se déchaîneraient ; le sang jaillirait, et ce serait la perpétuelle émeute en dépit de la force.

Mais Joseph éloignait l’image du malheur ; ferme et confiant dans l’accomplissement de ses espérances, il avait la certitude entêtée, une foi d’enfant ; l’heure de la libération sonnerait un jour, comme une fanfare, à tous les beffrois du pays rénové par la souffrance.