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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

délai du hasard ! La pauvre mère frissonnait devant l’inconnu des mêlées futures, enviant presque pour le benjamin le sort de son ami Lauwers que sa grave blessure éloignait pour longtemps, sinon pour toujours, du théâtre de la guerre.

Parfois, au milieu de la chambre bouleversée par les ouvrières, dans les flots de toile qui, débordant de la table, boulaient sur les meubles pour ruisseler en cascade sur le tapis jonché de découpures et de chiffons, Colette introduisait une vieille connaissance et c’était un moment de repos autour du guéridon sur lequel on déposait le petit goûter de 4 heures. Mais, ni Mme Timmermans, ni Mme de Myttenaere, visiteuses assidues, ne pouvaient guère réconforter la bonne dame. Ces voisines excellentes ne savaient que la plaindre, se répandre en paroles de commisération qui affligeaient encore plus la pauvre mère en lui faisant obscurément comprendre combien la pitié, même tendre, a besoin de se voiler pour ne pas déplaire.

Il n’y avait que Mme Lauwers qui parvint à la sortir de son affaissement. Les paroles de cette vaillante femme, si affligée elle aussi, mais dont le chagrin ne larmoyait pas et savait écouter celui des autres et même l’endormir par de séduisantes raisons, l’enlevaient à ses funestes pressentiments et lui rendaient courage. D’ailleurs, elle lui apportait toujours quelque bonne nouvelle ou du moins la certitude que le 9e de ligne se reposait en ce moment loin de l’action. Et puis, avec quelle admiration, elle vantait le