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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

fauteuils des magistrats, tandis qu’au premier plan, devant le fer à cheval du bureau, des sous-offs, étendus à plat ventre, sourient d’un air imbécile. Les goujats !

Mais il s’agissait d’être froid, impassible, de refouler ses larmes, de taire ses malédictions qui eussent ajouté à la joie des barbares…

Joseph s’efforçait de surmonter ses sentiments d’humiliation et de colère :

— Est-ce qu’on se fâche contre un fléau ? Est-ce qu’on ressent de la honte devant une inondation ?

Il fallait se résigner à attendre et, dans la mesure d’indépendance impartie au caractère de chacun, pratiquer la philosophie du Tourangeau, c’est-à-dire tâcher de garder cette sérénité d’esprit « conficte en mépris des maux présents et en espoir des bonnes choses futures… »

Cependant la privation de nouvelles lui était pénible ; il s’irritait de vivre, enfermé comme dans un scaphandre :

— Il n’y a plus de journaux, disait-il, alors lisons Rabelais où il n’y a pas le moindre petit mot pour pleurer !

Mais ce n’était qu’une boutade dont il se sentait incapable d’appliquer la leçon tant son cœur, barbouillé d’amertume, repoussait toute distraction intellectuelle ; tant sa pensée, incapable de