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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

dans les avenues réservées aux piétons, ne peut comprendre la rage qui s’amassait dans les poitrines contre ces brutes abhorrées.

Tous les jours, leur nombre grossissait, masses hétéroclites composées d’enfants et de barbons qui marchaient docilement, servilement avec des clameurs, comme le bétail qui meugle sur le chemin des abattoirs. On songeait au mot de Falstaff :

— Assez bons pour la pointe d’une pique. Chair à canon, chair à canon ! Soyez tranquille, my Lord, ils sont mortels, bien mortels : ils combleront un fossé aussi bien que d’autres…

Quels sont les émigrés qui sauront, un jour, se pénétrer des sentiments de souffrance endurés par ceux-là qui demeurèrent prisonniers dans la capitale ? On oubliera ces blessures profondes aux cicatrices invisibles…

Et d’ailleurs, il sera vrai de dire que Bruxelles fut encore privilégiée auprès de tant d’autres cités martyres…

Ils occupèrent les casernes, tous les bâtiments ministériels et jusqu’au Palais de Justice dont ils embrenèrent les chambres selon leur coutume, ou qu’ils profanèrent de séances dérisoires. Voyez cette photographie qui les représente dans la salle des audiences solennelles de la Cour de Cassation ! Nul respect de la Justice intangible, sacrée. Est-ce que la Justice a jamais existé pour eux ? Est-ce qu’ils connaissent le Droit et la Conscience, la Loyauté, l’Honneur ! Regardez ! Ils se vautrent, bedonnants et hilares, dans les