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XVI


Alors, les chaînes de la servitude commencèrent de meurtrir les habitants. Chaque jour en resserrait les anneaux, ajoutant de nouvelles douleurs à celles de la veille. Le corps ne souffrait pas, mais combien l’âme découragée ! On vivait dans un malaise d’esprit, une lassitude physique. Plus d’équilibre ; les idées, les sensations s’embrouillaient comme un écheveau. Nulle terreur, mais la paralysie. La vie était sombre, comme éclairée par une torche funèbre…

L’heure allemande, l’obligation pour les établissements publics de clore leurs portes à neuf heures, la suppression des chemins de fer, de la poste et du téléphone, les rues barrées, l’interdiction de sortir de la ville sans passeport et, bientôt, celle de franchir les frontières du pays ; la défense de vendre les journaux étrangers, combien d’autres prohibitions et entraves, qu’était-ce que tout cela auprès des perpétuelles blessures qu’infligeaient aux yeux et aux oreilles la vue de ces affreux soldats et leur langue, et les hurlements guerriers qu’ils poussaient en défilant à travers la ville !

Qui ne les a vus sabrer les bandes de toile protectrice tendues sur les boulevards et galoper