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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Quelques sous-officiers prussiens montaient et descendaient le grand escalier, très affairés par le ravitaillement et le couchage, tandis que des soldats, envoyés en commissionnaires, erraient à l’aventure dans les rues avoisinantes, revenant sur leurs pas pour demander le chemin aux agents de la ville qui les renseignaient sans mauvaise humeur, voyant leur mine ahurie, leurs manières timides, leur très grande politesse.

Contre son habitude, Adolphine se taisait. Certes, elle ressentait une grosse émotion, mais ces ennemis qui circulaient librement à travers le badaud peuple de Bruxelles lui causaient bien moins de frayeur de près que de loin. Elle était frappée de leur allure gauche et pacifique, de la « sale couleur », de la coupe grossière de leur vêtement. Sans aller jusqu’à la pitié, elle ne pouvait s’empêcher de remarquer leur mine fatiguée, plutôt débonnaire. Sa terreur de la bête enragée s’atténuait, tournait au dédain. Toutefois, elle prenait grand souci de n’être point frôlée par aucun soudard ; au frémissement de son bras, qui le repoussait un peu de côté, Joseph devinait sa répugnance.

Ils se proposaient tous deux de gagner la Grand’Place avec cette secrète pensée que les glorieux monuments, témoins de tant de vicissitudes et des oppressions du passé, leur parleraient comme de vieux amis pleins d’expérience et leur diraient de ne pas désespérer. Mais à leur vif désappointement, la rue au Beurre était gardée, au niveau du porche de Saint-Nicolas,