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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

De stridents coups de sifflet déchiraient l’air, commandant à ces soldats comme à une chiourme.

Déjà les troupes, sous le cliquetis lumineux des baïonnettes, noircissaient tout l’immense chemin, aussi loin que le regard pouvait s’étendre, jusqu’au parc de Koekelberg.

Joseph en avait assez vu. Alors, s’arrachant au magnétisme de ce cruel spectacle, il descendit le boulevard dans l’espoir de trouver un gué. Une petite dame, qui s’était dégagée de la foule en même temps que lui, le prit une seconde pour confident avec cette familiarité réflexe qui naît de l’émotion. Elle faisait une grimace de nausée :

— Oeie moi, je ne sais pas rester… Ça me fait quelque chose, ici, tenez…

Et elle appuyait sa main sur un corsage dont le galbe n’eût pas laissé de captiver l’attention en d’autres temps. Mais après quelques pas, elle s’arrêtait brusquement, s’installait de nouveau parmi les curieux, tant ces hordes l’attiraient et peut-être ce relent de suint qu’elles répandaient sous les arbres…

Joseph ne pensait plus qu’à rentrer chez lui par le plus court, car sa famille devait avoir appris maintenant la nouvelle et s’inquiétait sans doute de son absence. Il savait d’ailleurs combien la tendresse d’Adolphine était sujette aux alarmes et les dangers extraordinaires que forgeait tout de suite son imagination puérile.

Et une fureur sourdait à présent de sa conster-