Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.
237
LE ROMAN D’HIPPOLYTE

laids, bedonnant de bière pour la plupart, boudinés dans leur tunique, pas plus robustes et certainement bien moins dégourdis que les nôtres.

Ils marchaient d’un pas pesant, au son du tambour et du fifre, musique lente et sinistre qui résonnait lugubrement dans la morne lumière du jour orageux. Leurs visages hâlés, couverts d’une épaisse couche de poussière, se rayaient de sillons clairs tracés par la sueur. Rien de martial en eux, ni d’insolent. Au contraire, des yeux presque baissés comme dans la honte d’une forfaiture, quelque chose de craintif, d’en dessous et de louchant, une attitude dépouillée de morgue et qui obéissait sans doute à la consigne formelle de regarder devant soi, sans provocation.

De temps à autre, alternant avec la troupe, c’était le charroi ; une suite de lourdes voitures chargées en hauteur et couvertes de bâches, des caissons traînant leurs affûts privés de pièces, des cuisinières avec leurs cheminées de locomobiles, des fours à pains semblables à des tonneaux de vidanges, tout cela roulant avec des lamentations de freins à demi-bloqués, des crépitements d’essieux…

Puis, venaient des hussards, des uhlans, des gendarmes montant sans élégance mais avec solidité de superbes bêtes dont les fers retentissaient sur le pavé en même temps qu’ils en faisaient jaillir des fusées d’étincelles.