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XV


Le 20 août, au début de l’après-midi, ils commencèrent à dévaler des hauteurs de la ville, entre deux haies de badauds que multipliait le chômage et dont le silence, dans leur invincible curiosité, était la seule forme de protestation contre cet envahissement criminel.

Trompé par l’optimisme des journaux et le calme rassurant qui régnait au Rempart-des-Moines, Joseph ignorait l’approche des bataillons ennemis ; c’est en rentrant d’une visite au fond de Schaerbeek qu’il venait tout à coup de les rencontrer à la hauteur du Jardin Botanique. Frappé de stupeur, il demeurait cloué là, comme paralysé de la tête aux pieds, dans un état de somnambulisme éveillé. Peu à peu, ses nerfs, surexcités jusqu’à la douleur, se détendirent. Alors, surmontant sa torpeur, il regarda le défilé avec une tristesse indicible. Toutefois, ces régiments ne l’impressionnaient que par le nombre et, déjà, il se rassurait à la vue de leurs hommes qui n’avaient rien de l’étonnante stature ni, il faut l’avouer, de cette force d’acier que son esprit, sur la foi des légendes d’outre-Rhin, associait aux mots « soldats allemands ». C’étaient des hoplites de grandeur médiocre, ni beaux ni