Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Et c’était le gros Van Heffen, étudiant de polytechnique, un gaillard haut en couleur, qui, recalé à chaque session d’examen, ne s’en faisait aucune bile, trouvait décidément sa nouvelle vie beaucoup plus agréable que l’Université ; Vermeeren, un joli blond, très mince, élève à l’Académie de Molenbeek, grand crayonneur de charges qu’il croquait jusque dans les tranchées en chantonnant sans cesse les derniers refrains des colporteurs de romances ; le petit sergent Berrhens, très laid, la figure creuse et blafarde, la bouche sans lèvres, fendue comme celle d’une grenouille, un garçon nerveux, très résistant malgré son aspect débile et dont les manières et la langue peuples n’entamaient nullement son autorité sur ces soldats d’une éducation plus soignée que la sienne.

Enfin, c’était Chapel, un étudiant en droit de deuxième année, pâle et hâve, presque chauve déjà, avec de beaux yeux profonds, des attitudes inspirées, un être chétif mais qui « marchait » sans jamais se plaindre, soutenu par un amour-propre enragé et l’idée romanesque qu’il se faisait de son devoir ; un poète, toujours en train de rêver, de composer un sonnet aux étoiles ou à la lune, et qu’il se déclamait en dedans en faisant des gestes de mime. Avec ses manches trop longues et trop larges, son calot retourné qui lui embéguinait le crâne comme un serre-tête, il avait l’air de Pierrot soldat.

Après quinze jours de vie errante, de campement sous le ciel, les vaillants troupiers retrou-