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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

se risquent d’habitude qu’à dix contre un… Mais décampons ! Il y a peut-être d’autres bougres dans le bois…

Cependant, sa colère refroidie, Michel considérait à présent ces trois cadavres qu’il avait faits et dont les vêtements humides commençaient à fumer au soleil. Certes, il croyait bien avoir déjà « descendu » quelques ennemis lorsqu’il tirait de la tranchée, mais il ne les avait pas vu tomber. Aussi, le spectacle de ses victimes étendues là à ses pieds lui « faisait quelque chose », l’impressionnait plus qu’il ne s’y fût attendu. Il eut un mouvement d’épaules :

— Ah, tant pis pour eux, c’est de leur faute !

— Ne regrette rien, dit son ami, puisque tu m’as sauvé !

Alors, ayant rechargé leurs armes, ils éparpillèrent au loin les cartouches des morts et ramassèrent vivement les fusils qu’ils suspendirent au cou du teuton. Puis, ils rebroussèrent chemin au galop, entraînant leur gros prisonnier qui se mit bientôt à souffler et à geindre, leur affirmant qu’il était inutile d’aller si vite, qu’on ne les poursuivrait pas, car il n’y avait plus de soldats dans le bois.

— Veux-tu te taire, salaud ! criait Michel que l’horrible accent tudesque enrageait de nouveau. Sois tranquille, on te fera parler tout à l’heure !

L’homme qui choppait à chaque pas et vacillait sur des jambes molles de marionnette, dégringola plutôt qu’il ne descendit de la mon-