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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Ils remercièrent en souriant et, malgré les objurgations de la bonne femme et de sa fille, qui finirent pourtant par se taire devant leurs gestes de silence, ils commencèrent à gravir la montagne par un sentier de chèvres serpentant entre des affleurements de roche et des tortillards dont les racines noueuses s’agrippaient entre les pierres, telles des serres d’oiseaux de proie.

Comme ils atteignaient au faîte du plateau, Hippolyte ne put retenir un cri d’admiration devant le panorama qui se déployait devant lui :

— Hé, regarde donc ! Quel spectacle !

Le brouillard venait de s’éclairer et Liège apparaissait au fond de sa cuve, arrondissant ses dômes, pointant ses flèches, étalant ses toits d’ardoise fine le long des rives du large fleuve qui la traversait d’une coulée d’or. Tout le paysage baignait dans une vapeur irisée sous le ciel rose, un peu rouge par places, comme s’il était blessé… Tableau incomparable, rêve féerique d’un coloriste qui aurait à peindre la résurrection du jour. Et ce prestige en contraste avec le fracas du canon qui secouait l’atmosphère et, répercuté par les monts, délayait longuement, interminablement, dans les airs ses échos sonores. Il semblait qu’on assistât sous le calme firmament à un de ces cataclysmes cosmogoniques qui durent accompagner le commencement du monde…

Mais Michel n’avait pas l’âme contemplative, surtout en ce moment :