Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
LE ROMAN D’HIPPOLYTE

autour des arbres. Un moment assoupis, les forts s’étaient remis à tonner tandis que la fusillade crépitait de nouveau avec des alternatives de salves ou de coups détachés selon que l’ennemi et les nôtres se hasardaient hors des abris.

Dans la fraîcheur embaumée du jour naissant et le gazouillis des oiseaux, les deux soldats allaient lentement, avec prudence, le buste courbé, s’accroupissant parfois ou rampant dans les trèfles couverts de rosée. Au bout d’une demi-heure, ils étaient arrivés à proximité de la colline au pied de laquelle s’alignaient quelques pauvres cahutes aux toits effondrés. Sur le seuil de l’une des mohonnes encore intactes, se tenaient deux femmes, une vieille et une jeune, qui rentrèrent en les voyant approcher pour reparaître presque aussitôt avec une cafetière dont elles prétendirent à toute force vider le contenu dans leurs gourdes. Tandis qu’ils remerciaient et buvaient non sans plaisir, les bonnes créatures leur expliquaient en phrases éplorées qu’elles étaient seules dans le hameau abandonné, que le fils et le gendre avaient regagné leur régiment à Namur. Et une fois de plus, les soldats s’étonnaient que l’on eût dépêché vers la frontière tant de troupes qui ne connaissaient pas le pays alors que des contingents liégeois avaient été dirigés vers d’autres provinces…

— Vous n’êtes pas de chez nous, bien sûr, dit la vieille en son patois, et vous ne connaissez pas le chemin… Il ne faut pas continuer par là, vous savez. Ils pourraient vous tomber dessus…