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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

prends les devants. Ne vous désolez pas, je le ramènerai…

Et, laissant tomber la petite valise qui le handicapait, il s’élança à travers l’immense campagne. Le soulagement qu’il éprouvait à ne plus souffrir de la fatigue des autres lui enlevait toute la sienne.

En cet endroit, le terrain se relevait, très sensiblement et sur une grande étendue, jusqu’au moutier qu’on apercevait dans une bleuissante vapeur, juché sur la crête de la colline. La marche était pénible, surtout pour un citadin mal entraîné. N’importe, le jeune homme se hâtait, balançant les longs bras de son corps dégingandé, l’échine un peu courbée sur la rampe, mais les jambes vigoureuses, souples comme des ressorts pour arpenter cette houle de mottes fraîchement retournées et déjà toutes séchées, durcies par la cuisson du ciel.

Cependant, le soleil s’abaissait sur l’horizon. Il n’aveuglait plus, enveloppant les choses d’une lumière tranquille, très douce.

En ce moment, cinq heures sonnèrent distinctement à un clocher invisible. Soudain, au bord du plateau, deux hommes surgirent, dont le sombre habillement se détachait sur la claire verdure qui masquait le bas du moulin. Ils avançaient avec un miroitement au-dessus de leurs têtes…

Et Joseph stoppa brusquement pour les examiner une seconde. Nul doute, c’étaient deux soldats tout équipés, avec leur baïonnette au