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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Le soldat souriait, un peu interdit, étreint cette fois d’une petite émotion qu’il s’efforçait en vain de cacher :

— Oh, je n’ose pas… Je suis si noir… Je vais vous salir…

— Qu’est-ce que ça fait ! répliqua la jeune femme. Allez seulement !

Et elle tendit ses belles joues sur lesquelles le troupier, après s’être essuyé les lèvres du revers de la main, déposa un baiser prudent.

— Merci, merci ! s’écria-t-il rouge de plaisir et de confusion ; c’est cela, allez les voir, dites leur qu’on pense à eux, que tout va bien… Adieu et bonne chance !

Ils éprouvaient quelque ennui de leur guignon. Mais, sans se lamenter en paroles inutiles, distraits du reste autant qu’assourdis par la course vertigineuse des automobiles qui brûlaient la route, ils avançaient silencieux, d’un pas relevé.

Bientôt, un poteau indicateur les avertit de tourner à droite et ils s’engagèrent dans un chemin étroit où les charrettes de briquetiers avaient creusé deux ornières profondes. Dans cette terre sablonneuse, la marche devenait difficile : aussi, malgré son courage, Mme Platbrood commençait-elle à traîner.

— Voyons, maman, nous allons vous donner le bras…