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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

batteries avec leurs caissons semblaient rouler à travers des nuées comme font les chars d’apothéose plafonnante. À présent, le bourdonnement, les éclats des conversations de ce troupeau humain arrivaient jusqu’à eux. Soudain, ils se trouvèrent au milieu de soldats égaillés qui, un peu à l’écart des régiments, s’occupaient à dresser des abris avec leur couverture de laine contre l’ardeur du soleil. Joseph s’avançait pour interroger l’un d’eux quand il poussa un cri de surprise :

— Michel !

Le soldat, qui fichait un piquet en terre, eut un sursaut et, la pipe vivement arrachée de sa bouche, dévisagea un instant le « pékin » :

— Monsieur Joseph !

Il accourait rayonnant, les mains tendues, quand la vue des dames qui approchaient en toute hâte ralentit son élan :

— Oh, dit-il en riant, c’est que je ne suis pas du tout présentable…

En effet, il ne semblait pas très débarbouillé et il y avait longtemps que sa capote déteinte, remplie de poudre et de boue séchée, n’entretenait plus aucune relation avec la brosse. Une barbe de huit jours salissait ses joues qu’elle hérissait de picots drus, pareils à ces pointes des rouleaux de boîte à musique. Dans le pli des sourcils et la cernure des yeux on voyait de petits amas de poussière encroûtée et brunie par la sueur, ce qui avivait le regard comme sous un crayonnage de théâtre. Le calot retourné sur