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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

— Eh bien, on sera propre tout à l’heure !

Il y avait une solennité dans ce vertige de la route, et Joseph se taisait anxieux de ce qui se préparait à l’autre bout de ce long chemin dont le ruban se déroulait, si désert, si monotone il y a quelques jours encore, au milieu des grasses cultures et des superbes moissons d’une année d’abondance.

Brusquement, leur voiture stoppa. Ils étaient arrivés.

— Tenez, ils sont là-bas, dit le cocher en désignant de son fouet une masse sombre qui grouillait au loin sous le soleil.

Ils s’élancèrent dans un immense champ de pommes de terre dont la verdure et les semences piétinées dégageaient une odeur tiède, déjà corrompue, vireuse.

— Non, non, je sais aller toute seule ! disait Mme Platbrood en refusant l’aide de ses enfants.

Et de fait, elle marchait vivement au milieu des sillons, très pâle à présent, toute frémissante de l’impatience d’atteindre cette plaine où fourmillaient les soldats.

— Tant pis pour ma robe, s’écriait Adolphine en enjambant les fossés. Elle n’est qu’à même plus bonne qu’à teindre chez Spitaels !

Cependant, ils approchaient. Déjà l’on distinguait nettement les compagnies groupées en hémicycle à quelque distance les unes des autres, derrière les faisceaux étincelants, tandis que là-bas, tout au fond de la plaine, dans l’atmosphère vibrante de chaleur et la poussière soulevée, les