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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

roïsme des Belges. À tout instant, ils se rencontraient dans le vestibule où ils venaient interroger la boîte aux lettres. Aucune nouvelle. Pourtant, on annonçait que la batille avait cessé le mercredi soir et que les régiments de ligne se repliaient à présent en bon ordre, tandis que les forts de Liège tonnaient toujours, semant la mort dans les rangs ennemis.

Que dire à la pauvre maman qui, à bout de larmes et de sanglots, méconnaissable, définitivement vieillie par l’angoisse, demeurait prostrée dans son fauteuil, muette, le regard effaré et fixe comme celui d’une visionnaire. À peine, si elle avait consenti à prendre quelque nourriture depuis le départ du benjamin. C’était une anxiété continuelle, sans soulagement. On craignait beaucoup pour sa raison. Quant au major, incapable de la réconforter, il subissait les événements en fataliste. Depuis longtemps, toute faconde l’avait quitté. Il ne parlait presque plus, enfoncé souvent dans des méditations, des souvenirs qui lui humectaient les yeux. Ses facultés baissaient du reste. L’âge était venu ; une sénilité précoce engourdissait son cerveau ; le vieil homme s’acagnardait de plus en plus à la maison, où, sans goût pour aucun travail, il errait d’une pièce à l’autre, toujours solennel et silencieux dans sa barbe grise, comme une sorte de Lothario bourgeois.

Un sombre désespoir s’emparait de toute la famille, quand le samedi matin la cuisinière de Joseph s’élança dans l’escalier en criant :