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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Comme il se sentait veule ! Il avait honte de ses crises de mélancolie, des continuelles alarmes de son cœur, il rougissait de son chagrin. Ah, il fallait réagir. Cette humanité, brutalement en action, l’arrachait à la sentimentalité dissolvante, lui inspirait le désir, l’énergie de s’employer désormais à des choses utiles. Un autre homme résolu, pratique s’éveillait en lui qui voulait échapper à cette atmosphère de méditation et d’idéalisme stérile. C’était comme un renouveau d’âme, une résurrection.

Grisé par le mouvement et le bruit, il allait le long des quais et sous les hangars, dans le parfum des cordages, l’odeur étrange et forte des cargaisons accumulées. Suspendus à chacun de ses bras, les enfants gambadaient avec des cris joyeux. En observateur lyrique, il leur expliquait les manœuvres des marins et des chargeurs, les longs et merveilleux voyages de ces navires, la vie fiévreuse d’un grand port.

Soudain, un long gémissement de sirène s’éleva du côté d’Austruweel qui se répercuta au loin.

— Voyez, s’écria le jeune homme avec émotion, un grand paquebot entre dans la rade !…

En effet, un immense steamer à double cheminée virait dans le coude du fleuve et s’avançait lentement par ses propres moyens vers son dock d’attache. Sur les trois ponts, on distinguait déjà les passagers massés devant les bastingages.

Les enfants ouvraient de grands yeux.