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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

étonné de ne plus être en proie à la pensée unique, obsédante de son chagrin. De fait, il ne se fût jamais imaginé que l’on pût prendre tant de plaisir au spectacle des bêtes de la création.

Peu à peu, Yvonne s’était enhardie ; après les casoars et les autruches, les otaries et les ours, elle ne s’étonnait plus de grand’chose. Sa curiosité commençait à se lasser. Pourtant, les pachydermes la plongèrent dans une grande stupéfaction, surtout l’éléphant qu’elle voyait pour la première fois. En dépit de son livre d’images, elle n’avait jamais cru formellement à l’existence de cette énorme bête qui lui avait toujours un peu semblé une créature fabuleuse et de pure fantaisie. Il fallait bien qu’elle se rendît à l’évidence. Le monstre se balançait devant elle en une lourde cadence, clignant ses petits yeux, agitant les pancartes de ses oreilles, allongeant entre les solides barreaux une trompe serpentine dans l’orifice de laquelle l’intrépide petit Parisien s’avisa tout à coup de déposer un « pistolet » tout entier, attention dont l’animal se montra si satisfait qu’il redressa aussitôt son tube nasal et ouvrit au-dessus de la cage une bouche rose, immense, pour quêter de nouveaux bienfaits. Alors, d’une main sûre, René lui envoya au fond du gosier un autre petit pain.

— Bien envoyé ! fit Hippolyte.

Enthousiasmée, Yvonne voulait que son ami recommençât le jeu. Mais René s’y refusa : il entendait ménager ses provisions ; après cela, il n’était peut-être plus aussi sûr de réussir et