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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

— Oh, je sais ce que tu voudrais me répondre… Que celle-là n’était qu’une maîtresse. Ne te paye pas de mots. C’était une vraie femme. Elle t’aimait, elle était digne d’être aimée et tu l’aimerais encore si, volontairement et pour assurer ton bonheur, elle n’avait disparu de ta vie. Nieras-tu que tu l’aies passionnément regrettée ? Et tu l’as oubliée cependant, comme tu oublias pour elle la blanche passionnette de ton jeune âge… Thérèse. Oh, ne rougis pas ! Oui, une affection nouvelle a chassé pour jamais l’étrangère de ta pensée et de ton cœur. Va, on est si imparfait ! Nous ne sommes pas capables de désespérer toujours. Donc, tu guériras aujourd’hui comme la première fois, comme la deuxième fois, comme toutes les fois. Rappelle-toi ces paroles du confesseur de Roméo : « Les yeux puisent ailleurs un nouveau poison et la douleur cuisante de l’ancien est guérie ! »

— Non, répondait sourdement Hippolyte, celle-là, nulle autre ne saura jamais la remplacer dans mon cœur.

— C’est entendu ! Mais avant de t’enfermer dans quelque monastère, éprouve au moins la force de ta mélancolie. Sors de ta paresse de rêveur. Remue-toi. L’activité est bonne. Je le sais par expérience. Car ma jeunesse eut sa crise comme la tienne. Oui, moi aussi, à vingt ans, je fus une fois très sombre et très triste. Il est vrai que mon cas était plutôt intellectuel, si j’ose ainsi dire. N’empêche qu’il me faisait aussi mal. Moi, le raffiné, l’infatué de sobre élégance, je