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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Il osait à peine la regarder et se tourmentait de ne point trouver, à cette heure si opportune, les mots qu’il fallait dire pour qu’elle ne pût douter de la force de son affection.

Cependant, le chemin se raccourcissait et l’anxiété de n’avoir pas le temps d’exprimer son aveu achevait de stériliser son esprit. Comme la fatalité le veut d’ordinaire, une invincible contrainte l’obligea à choisir un sujet qui l’éloignait le plus de son idée fixe :

— Vous savez, dit-il pour rompre un silence qui devenait embarrassant, j’ai lu Kenilworth !

Contre toute attente, elle oublia de s’exclamer et s’étonna seulement que, dans son « bloquage » intensif, il eût consenti à délaisser ses livres pour s’enfoncer dans un aussi gros roman. Sans doute, éprouvait-elle quelque déception d’un changement d’entretien si brusque, alors que celui du début ne lui causait aucun déplaisir.

— Mais, fit-il un peu surpris, je vous avais promis de lire… Certes, l’ouvrage est long mais je n’ai pas eu la moindre défaillance : j’ai tout absorbé en deux nuits !

— Quel courage ! Vous m’avez maudite, je suis sûre ?

— Oh non, car je me promettais tant d’agrément à vous donner mon avis, à discuter avec vous…

— Comme je m’en veux ! Il ne fallait pas m’écouter. Est-ce qu’on lit encore Walter Scott, à votre âge !

— Mais, dit-il piqué, c’est un historien aussi…