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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Comme les hommes étaient revenus du fumoir, Adolphine crut bien faire en priant Ferdinand de dire une chansonnette. Mais le cordier, visiblement renfrogné ce soir et peu sûr de son public, s’excusa d’un ton bref : il était enroué.

Thérèse, qui bien souvent lui reprochait en secret cette exubérance et cette galanterie gamines qu’il déployait dans le monde, s’inquiétait à présent de son attitude morne et comme affaissée. Elle le croyait souffrant quand il n’était que violemment dépité par l’indifférence de ses deux jolies voisines de table.

Quoi qu’il fît, il ne parvenait pas à échapper à l’obsession de cette pensée affligeante :

— Je vieillis. Je commence à cesser de plaire !

Il sentait venir le crépuscule de don Juan.

— Si tu veux, murmura sa femme, on s’en ira sans rien dire…

Elle se plaisait pourtant au milieu de ses amies et n’éprouvait aucune envie de se retirer si vite. Aussi bien, Hippolyte n’était pas encore venu lui faire sa cour ; appuyé là-bas au chambranle de la porte, le jeune homme fumait une cigarette en écoutant rêveusement son ami Michel plus verbeux d’être resté muet pendant le dîner et tout rempli de confidences sur Fanette, sa nouvelle maîtresse. Thérèse aurait tant voulu dire au « cher méchant garçon », comme elle l’appelait toujours dans le jardin secret de son cœur, la vive sympathie que lui inspirait Mlle Lauwers et combien elle lui était reconnaissante de l’avoir enlevé un moment à ses