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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

taient au vif agrément que lui causait son esprit comme une sensation de plaisir physique.

Il la voyait femme. Il la comparait à l’Autre. Elle ne lui était pas inférieure ; peut-être même que sa beauté blonde lui plaisait davantage, car, lui, il était noir de cheveux et d’yeux et tout être a, dit-on, une tendance à préférer dans l’autre sexe une couleur opposée à la sienne.

En ce moment, et pour la première fois, il félicitait celui qui saurait un jour toucher cette jeune fille et s’emparer de son cœur.

Alors, et comme si cette pensée lui eût tout à coup révélé un sentiment dont il ne se doutait pas, il tressaillit. Et aussitôt, on eût dit qu’un souffle fort et purifiant desséchait toute cette poche d’amertume qui stagnait au fond de son âme désespérée. Un rayon filtrait à travers sa mélancolie comme une lumière de joie. Il se sentait une irrésistible envie de ne plus être triste. Une force, qui n’était autre que la jeunesse victorieuse, chargée de confiance, triomphait de son désenchantement.

Il regardait parler la jeune fille plus qu’il ne l’écoutait peut-être ; elle le voyait bien, car, envahie d’un subit sentiment de gêne, elle n’osait plus maintenant fixer sur lui ses grands yeux bleus. Elle abrégea son récit et dit humblement :

— Je vous ennuie, n’est-ce pas, avec mon babillage de pensionnaire ?

Il protesta vivement :

— Dès demain, je me plonge dans la lecture de Kenilworth ! Je veux aimer, j’aime déjà votre