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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

le regardait à la dérobée, était contente de lui, bien qu’il se mêlât dans sa joie un sentiment assez bizarre qu’elle désavouait sans oser le définir : elle regrettait sans doute de n’être pour rien dans le changement d’âme du garçon. Mais elle se résignait, comprenant que sa seule tendresse n’était plus suffisante à dissiper le chagrin de ce cœur orageux. Il fallait bien plus qu’elle maintenant pour consoler ce jeune homme qui avait connu l’amour dans les bras d’une enchanteresse.

En vérité, Hippolyte et miss Suzy semblaient fort aises de se revoir. Comme Joseph s’entretenait vivement avec Mme Lauwers et que Ferdinand Mosselman s’employait encore auprès d’Hermance, les jeunes gens bavardaient sans contrainte.

Elle avait commencé par le gronder d’être si casanier, de ne plus connaître le chemin du quai. Craignait-il par hasard de se salir dans la poudre de charbon qui désole ce beau quartier ? Michel aussi se plaignait souvent de lui :

— Vous l’abandonnez à lui-même et je doute qu’il travaille avec le même entrain…

Il répondit que son dernier examen le préoccupait beaucoup :

— Les matières en sont si nombreuses, si touffues ! Je ne puis goûter de plaisir à rien tant me hante la peur d’un échec. Voilà pourquoi je parais misanthrope.

Elle consentait à le croire bien qu’elle eût ses raisons de ne pas admettre sa parfaite sincérité.