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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Il oubliait du reste qu’il avait à cette époque quinze ans de moins et ne soupçonnait pas combien il est ridicule, à quarante ans plus que sonnés, de persister dans un rôle d’éternel jouvenceau et d’amuseur, surtout en présence d’une femme et d’une jeune fille d’éducation élégante et de mœurs choisies. Dans son isolement imprévu, il en venait presque à regretter de ne pas être assis à côté de sa femme et il enviait Cappellemans — après l’avoir tant moqué — du privilège qu’il s’était arrogé de n’être jamais séparé de la sienne.

Très vexé, il prit le parti de boire et de manger en silence, non sans lancer à Thérèse, placée là-bas tout au bout de la table, des regards chargés d’accablement qui inquiétaient visiblement la pauvre femme. Toutefois, dans la crainte qu’elle ne se levât brusquement pour venir s’informer de son malaise avec une sollicitude trop conjugale, il cessa bientôt son manège pour réveiller le vieux major et entamer avec lui une conversation militaire, espérant ainsi éblouir cette pimbêche d’Hermance et lui prouver qu’elle se méprenait sur son compte.

Mais Mme Dujardin dédaignait de l’entendre, tout occupée qu’elle était en ce moment à interroger son neveu sur les prochaines compositions.

Alberke était un garçon de treize ans aujourd’hui. Il avait beaucoup grandi sans perdre de sa vigueur. Sous de raides cheveux d’un blond hardi, sous un large front, le regard était franc, les joues reluisaient, vermeilles. Il avait un ten-