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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Kaekebroeck soupçonnait la vérité et lisait dans le cœur de son beau-frère.

— Laissez-le cuver sa mélancolie, recommandait-il à ses beaux-parents. N’exaspérez pas son chagrin par des questions indiscrètes ou des prévenances maladroites. Vous verrez, cela passera. C’est un arrière-mal…

En effet, dès la reprise des cours, le jeune homme parut sortir de sa taciturnité. Le travail commençait d’émousser l’aigu de son chagrin.

Parfois, fermant ses livres, il s’en allait rêver à travers les campagnes et les bois. Ou bien, le musée d’art ancien lui offrait son calme refuge. Les chefs-d’œuvre des vieux maîtres avaient toujours eu sur son âme orageuse une vertu d’apaisement et de sérénité. Chassé, toujours trop tôt à son gré, par l’impitoyable sonnerie de la clôture, il s’arrachait à sa contemplation et descendait par les petites rues de la ville pour apparaître enfin, émerveillé une fois de plus, devant les vieilles maisons de la Grand’Place.

Il s’arrêtait, frémissant et recueilli en face de tant de richesse et de beauté. Comment traduire, fixer par des mots la splendeur gaie de ces pierres ? Il tournait lentement autour de la place, faisant l’inventaire des célèbres maisons, interrogeant les moindres détails des façades, amusé parfois de voir s’accouder familièrement à l’une de leurs admirables croisées, un artisan en bras de chemise ou quelque servante en surcot de couleur…