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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

l’image de l’étrangère se fût tenue à distance, de peur de l’importuner. À présent, elle approchait craintive, fidèle, avec des roses dans les mains.

Il la revoyait près de lui, plus séduisante, plus fascinatrice que jamais. Elle redevenait souveraine. Il ne résistait plus à l’ivresse des souvenirs, se retrouvait dans une atmosphère embrasée. Comme il avait été impitoyable ! Vraiment, n’y avait-il pas eu un peu de ridicule, de prudhomie dans son attitude exaltée ? Il était honteux de ne pas avoir placé l’amour au-dessus de tout. La vraie passion s’embarrasse-t-elle jamais de scrupules ? Il se sentait un peu grotesque, comme le héros timide et farouche dont il portait le nom…

Il évoquait leur dernière entrevue ; ce jour-là, un détail de toilette l’avait exaspéré, et c’était cette plume ridicule qui s’agitait sur le chapeau de l’amante éplorée. Au fond, cette plume l’avait peut-être empêché de s’attendrir : il souriait, indulgent, apaisé, se disant qu’une femme en cheveux a beaucoup plus de chance d’être pathétique…

Alors, il fallut qu’il succombât à la tentation de relire des lettres bien-aimées. Quelle tendresse, quel charme de sincérité et de naturel dans ces pages tour à tour mélancoliques et passionnées, finement bavardes aussi, où la supériorité de son amie s’affirmait si aimable ! Des phrases restaient gravées dans sa mémoire : « Mon amour est si grand qu’il ne saurait se