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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

sentiments passionnés ni au mystère féminin, s’étaient risqués d’abord à quelques observations qui avaient impatienté le jeune homme ; puis, devant son attitude farouche, ils s’étaient tus, renfermés à présent dans un grand chagrin dont le silence l’impressionnait peut-être davantage encore que leurs reproches.

Parfois, dans l’enivrement de son amour, il ne pouvait se défendre d’une sourde angoisse en se demandant où le mènerait cette affection dévorante et stérile. Il n’était pas pleinement heureux et rêvait souvent d’une possession plus complète. Aussi, l’idée de régulariser un jour une situation anormale commençait à hanter son esprit. Cette femme, qui l’aimait d’une tendresse si profonde, d’un cœur si désintéressé, ne méritait-elle pas l’hommage de son nom ?

Il pensait à ces choses et marchait absorbé, distrait de l’animation de la rue, quand une somptueuse limousine qui débouchait du Coudenberg, fit retentir sa sirène pour l’avertir de se garer ; il n’eut que le temps de se rejeter de côté, sur le trottoir en bordure de l’hôtel de l’Europe, et tressaillit soudain en croyant reconnaître son amie dans la grande dame installée au fond de la voiture auprès d’un personnage grisonnant, à la mine distinguée, patricienne.

Cependant, l’automobile avait ralenti son train pour passer sous l’arcade de la rue de Namur. En ce moment, le jeune homme se ressaisit ; il partit en courant dans l’espoir de vérifier un fait qui ne lui apparaissait déjà plus à présent