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métier-là ! Moi, ça me tournerait le cœur. Et puis pour la reconnaissance qu’on en a…

— Mais ça m’est égal qu’ils ne me remercient pas avec des mots, repartit naïvement la jeune fille. Ils ne savent pas, vous comprenez, ils me remercient en montrant leur bon appétit. Quelques-uns pourtant sont déjà très bien élevés. Ainsi, il y en a un qui n’oublie jamais d’ôter sa casquette en disant : « Merci, ma bonne Moiselle ». C’est le petit Jocske… Oh ! celui-là je l’embrasse encore plus fort que les autres…

— Comment, vous les embrassez ! Hé, vous en avez du courage. Merci bien de salir ma figure à tous ces marmots-là !

Et son long et dur visage de pimbêche, enfariné de poudre, faisait une grimace de suprême dégoût qui en accentuait encore la méchanceté.

Charlotte la regardait avec stupéfaction, commençant à se sentir assez mal à l’aise :

— Vous vous trompez, Mademoiselle, dit-elle après un instant ; ces petits sont tous très bien frottés… Enfin, moi je les aime comme ça, et je les soigne avec plaisir… Et puis, on est si content et le temps passe si vite quand on fait quelque chose d’utile…

— Oh ! utile, c’est beaucoup dire ! Vous encouragez seulement les parents à ne pas travailler. Quant à moi, je me garderais bien de m’occuper de ça. D’ailleurs, je n’ai pas le temps.

— Ah ! fit Charlotte naïvement, vous cousez sans doute pour les orphelinats ?

— Oh ! mais non… J’ai mon piano et mon