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— Oh ! repartit aigrement Hortense, c’est facile de donner quand on est si riche…

— Hé ! fit le vieux Claes, il y en a d’autres qui sont encore plus riches et qui jouent la comédie de la gêne pour ne donner rien ou presque rien… Sans compter qu’ils se privent bêtement de tout jusqu’à se rendre malades… Tant pis pour eux, ils n’ont que ce qu’ils méritent !

Mme  Buellings, qui n’était pas assez maligne pour saisir dans ce propos aucune allusion directe à la ladrerie de son époux, continuait à geindre sur la situation de son ménage et la méchanceté de sa servante qui menaçait de la planter là, si elle n’était pas mieux nourrie. Ah ! ces filles ne doutaient de rien. Elles voulaient manger à leur faim alors que tout le monde se restreignait par suite des prix exorbitants. Elles seules ne se ressentaient pas de la guerre ; on continuait à les payer « recta » comme avant et, malgré ça, elles se montraient d’une exigence !

Tandis qu’elle se lamentait de la sorte, se plaignant en outre de devoir tout faire soi-même, de n’être aidée ni par son mari ni même par sa fille tout occupée à ses vocalises, celle-ci, adossée au comptoir, causait avec Charlotte d’un air de hautaine condescendance, et comme si elle se fût adressée à une ouvrière. Cette grande fille, ossue et sèche, n’était susceptible d’aimer personne. Mais elle en voulait particulièrement aux demoiselles de son âge pourvues d’un fiancé ; il semblait toujours qu’elles le lui eussent volé par des intrigues malhonnêtes. C’est ainsi qu’en apprenant les fiançailles de Charlotte avec le fils