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la question de la nourriture, geignant sur le prix des denrées alimentaires, principalement de la viande de boucherie et de charcuterie. Ce Vergust était tout de même un exploiteur éhonté et qui s’enrichissait d’une façon scandaleuse. Tandis que son pauvre mari maigrissait à vue d’œil et perdait chaque jour de son poids déjà si insuffisant, le tripier-charcutier, au contraire, avait gagné un nouveau bourrelet de graisse à son cou ; quant à son ventre, il ne faisait que s’arrondir au point qu’on serait bientôt obligé, disait Buellings, de le cercler comme une futaille. Et sa femme et sa fille donc ! Celles-là non plus ne se privaient de rien. Elles se bourraient de bonnes choses quand les pauvres gens mouraient de faim. Vraiment, elles enlaidissaient à force de manger…

Mais la bonne madame Claes n’était pas de cet avis :

— Bien sûr que Vergust ne maigrit pas, dit-elle tranquillement ; mais il faut avouer qu’il se donne beaucoup de mal pour son commerce malgré les difficultés du moment. Et sa femme et sa fille aussi travaillent encore plus que dans le temps. Du reste, c’est leur nature d’être gras et bien portants tous les trois. Ne croyez pas qu’ils vendent plus cher que les autres, et c’est au moins de la bonne marchandise qu’on achète chez eux, hein Isidore ? Et puis, on dira ce qu’on veut, Vergust n’est pas un avare, il donne beaucoup aux cantines populaires, et alors on peut bien lui pardonner que ses affaires ne marchent pas mal…