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L’ÉTOILE DE PROSPER CLAES

qu’ils n’avaient pas de fils et ne redoutaient aucune gêne, vu les provisions entassées dans leurs caves et placards ; tristes riches, qui ne se décidaient à lâcher quelque chose que par crainte d’être vilipendés par l’opinion, de faire tort à leur boutique, surtout de nuire, par une ladrerie trop ostensiblement affichée, à l’établissement de leur sèche Hortense.

Certes, la gentille pourvoyeuse n’affrontait pas sans répugnance ces affreux grigous et il fallait toute la bravoure que lui inspirait la souffrance des pauvres pour solliciter leur mesquine aumône. Bien heureuse quand on ne se vengeait pas de son importune visite en lui débitant tout un lot d’alarmantes nouvelles.

Les braves gens, et les vaniteux aussi, la dédommageaient d’ailleurs de ce côté pénible de ses fonctions, les uns donnant de bon cœur, les autres par ostentation. Il est vrai que la charité de ceux-ci, qui était celle de Vergust et de ses pareils, s’étalait fort à propos en ce moment : il eût été maladroit d’en décourager personne.

Quoique le tripier ne fût pas mauvais homme au fond, il entrait du semblant dans sa bienfaisance, laquelle il pratiquait surtout pour se faire remarquer. Mais en dépit de son alliage douteux, sa générosité avait du moins le geste large. La vogue prodigieuse de ses affaires lui permettait du reste d’être libéral et il savait bien que sa philanthropie, habilement mise en scène et claironnée, était un autre ressort d’achalandage, sans compter qu’elle apaisait l’effervescence