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durées, pourvu que les discordances et les inégalités n’excèdent pas certaines limites. Notre système planétaire offre sur une grande échelle des exemples de phénomènes analogues. La lune tourne toujours vers nous la même face, parce qu’elle emploie le même temps à accomplir son mouvement de rotation sur elle-même, et à décrire son orbite autour de la terre. Il serait fort singulier que des circonstances initiales qui auraient fixé ces deux périodes indépendamment l’une de l’autre, se fussent ajustées de manière à produire spontanément une si exacte concordance. Mais, si l’on admet que les deux périodes ont peu différé dans l’origine, et si l’on suppose en outre (selon toute vraisemblance) que la masse de la lune, comme celle des autres corps célestes, ait été primitivement fluide, l’attraction de la terre a dû modifier la figure de son satellite de manière à faire concorder à la longue les deux mouvements périodiques, et à produire le phénomène que nous constatons maintenant, par suite duquel l’un des hémisphères de la lune nous est caché pour jamais. On a des motifs de croire que les satellites des autres planètes présentent le même phénomène, dû à la même cause ; et les vitesses avec lesquelles les satellites de Jupiter circulent autour de leur planète ont aussi entre elles des rapports singuliers, qui s’expliquent d’une manière analogue, au moyen de réactions mutuelles qui doivent aboutir à ajuster harmoniquement les parties d’un système, sous la condition toutefois que les parties aient été originairement placées dans un état qui se rapprochât suffisamment de celui que les réactions internes tendent à établir, ou à rétablir quand des causes externes viennent à le troubler.

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Dans des phénomènes d’un ordre tout différent, et d’ordres très-différents les uns des autres, lesquels ne se prêtent plus comme les précédents au calcul mathématique, on peut signaler des harmonies pareilles, tenant aussi à des influences ou à des réactions mutuelles, qui toutefois n’opèrent avec efficacité qu’entre de certaines limites : de sorte que l’état initial doit être supposé, sinon précisément dans les conditions d’harmonie qui s’établissent à la longue, au moins dans des conditions qui n’en soient pas trop éloignées. Un organe exercé acquiert plus de force, prend plus de développement, et par là, en même temps que les usages de l’organe deviennent plus fréquents