Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui dépendra d’ailleurs du degré de simplicité de la loi observée, et des autres données expérimentales ou théoriques qu’on possédera sur la nature du phénomène. Dans l’exemple particulier, il y a d’autant plus de motifs d’admettre la possibilité d’écarts notables en dehors des limites de l’expérience, que, même entre ces limites, la loi de Mariotte ne se vérifie pas en toute rigueur, d’après les observations les plus délicates et les plus récentes. Supposons encore qu’il s’agisse d’une série d’expériences ayant pour objet de déterminer comment la tension de la vapeur d’eau varie avec la température du liquide générateur. Ici l’on ne tombe pas sur une loi simple dans son énoncé, comme celle de Mariotte. À défaut d’une pareille formule, il faut inscrire dans un tableau, en regard des nombres qui expriment les températures auxquelles l’expérience s’est faite, d’autres nombres qui mesurent les tensions correspondantes. Pour des températures intermédiaires, sur lesquelles l’expérience n’a pas directement porté, on interpole, c’est-à-dire qu’on intercale entre les nombres donnés par l’expérience d’autres nombres qui paraissent s’accommoder le mieux possible à la marche générale des nombres observés. Ces valeurs intercalées ne pourraient être rigoureusement exactes que par un hasard infiniment peu probable ; mais il est extrêmement probable qu’elles diffèrent très-peu des valeurs exactes, attendu que ni l’expérience ni la théorie n’indiquent des causes de brusque perturbation dans l’intervalle. On pourrait encore, avec une grande probabilité de s’écarter très-peu des vraies valeurs, prolonger la table un peu au-dessus ou un peu au-dessous des valeurs observées ; mais, à une distance notable de ces limites, l’absence de toute formule simple fait qu’il n’y a plus d’induction légitime, et qu’on ne peut pas indiquer, même approximativement, la marche du phénomène.

48

Nous ne prétendons pas avoir énuméré toutes les formes dont est susceptible le jugement par induction ; mais ces exemples suffisent, et, bien que nous les ayons conçus à dessein dans des termes qui ont la simplicité et aussi la sécheresse des définitions mathématiques, ils laissent assez comprendre comment il faudrait interpréter des jugements analogues portés dans d’autres circonstances, où il s’agit de tout