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de Vénus se trouve avoir pour valeur approchée 4 plus 3 ou 7, celle de la Terre 4 plus deux fois 3 ou 10, celle de Mars 4 plus quatre fois 3 ou 16, et ainsi de suite, jusqu’à Uranus inclusivement. Présentée sous cette forme plus compliquée, et par cela même moins probable, la progression des intervalles planétaires s’est appelée la loi de Bode, du nom d’un astronome allemand du dernier siècle ; mais cet échafaudage vient de s’écrouler par la découverte de la planète Neptune, située dans les espaces célestes bien au delà de l’orbite d’Uranus, quoique à une distance beaucoup moindre que la loi de Bode ne l’aurait fait et ne l’avait fait d’abord supposer, puisque l’intervalle des deux orbites ne surpasse pas de beaucoup l’intervalle des orbites de Saturne et d’Uranus, au lieu d’être double ou à peu près double. Il faut donc le reconnaître : Mercure et Neptune, c’est-à-dire les deux termes extrêmes de la série des planètes connues, font exception à la loi entrevue par Kepler ; ce qui n’est pas un motif suffisant pour mettre sur le compte du hasard la progression signalée, en ce qui concerne les planètes intermédiaires ; car on conçoit fort bien que des causes de distribution régulière, qui n’excluent pas d’ailleurs la complication de causes perturbatrices et anomales, puissent régir toute la portion moyenne d’une série, tandis que les termes extrêmes échapperaient à leur influence. Il y a là des probabilités et des inductions que la philosophie naturelle ne doit point dédaigner, qui ne sont pourtant pas de nature à forcer l’acquiescement de l’esprit, et qu’il serait chimérique de prétendre exprimer par des nombres.

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Les considérations théoriques présentées dans les numéros 40 et suivants seront peut-être plus faciles à saisir pour quelques lecteurs, si nous recourons à des images fournies par la géométrie. Supposons donc que dix points aient pu être observés comme autant de positions d’un point mobile sur un plan, et que ces dix points se trouvent appartenir à une circonférence de cercle : on n’hésitera pas à admettre que cette coïncidence n’a rien de fortuit, et qu’elle indique bien, au contraire, que le point mobile est assujetti à décrire sur le plan une ligne circulaire. Si les dix points s’écartaient fort peu, les uns dans un sens, les autres dans l’autre, d’une circonférence de cercle convenablement tracée, on attribuerait les écarts à des erreurs d’observation ou à des causes perturbatrices