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DE LA PSYCHOLOGIE. 553

connaissances sur la nature des moyens. Ce que nous disons à propos des conceptions géométriques peut se dire à propos des notions plus abstraites encore et plus générales qui sont l’objet de la logique. Tout de même la notion du juste et de l’injuste, celle de l’obligation de respecter les droits et les personnes de nos semblables, se présentent à notre esprit comme ne dépendant pas de la nature des causes qui ont perfectionné notre espèce jusqu’au point de constituer à l’état de personne l’individu vivant, non plus que des instincts et des besoins qui ont créé au sein des sociétés humaines les diverses sortes de propriétés : en sorte que les mêmes principes régulateurs devraient gouverner des êtres également parvenus à la dignité de personnes morales, mais dans des circonstances physiquement et historiquement dissemblables de celles au milieu desquelles s’accomplissent les destinées de l’humanité (169 el suiv.).

376. — Ainsi, il faut se garder de confondre la psychologie, qui est la connaissance empirique des faits intellectuels, dans leurs rapports naturels avec l’organisation et la constitution du sujet pensant, et la logique qui traite des rapports entre les idées, tels qu’ils résultent (comme la raison nous le fait voir) de la nature des idées mêmes, indépendamment de leur mode d’élaboration et d’apparition dans l’esprit humain. C’est toujours la même distinction qui revient entre le sujet qui connaît et l’objet de la connaissance ; entre les choses qui

1 « On voit que la logique, depuis les temps les plus reculés, se présente avec des caractères de certitude propres à la science, puisqu’elle ne s’est pas trouvée dans le cas de faire un pas en arrière depuis Aristote ; à moins peut-être qu’on ne veuille considérer comme des réformes le retranchement de quelques subtilités superflues ou l’addition de quelques explications plus claires, quoique cela tienne plutôt à l’élégance qu’à la certitude de la science. Ce qu’il y a encore de remarquable dans la logique, c’est qu’elle n’a pas non plus jusqu’ici fait un pas en avant, de sorte qu’elle a tout l’air d’avoir été complètement achevée et perfectionnée dès sa naissance. Car, si quelques modernes ont cru ajouter par l’intercalation de quelques chapitres, soit psychologiques, sur les diverses facultés de l’intelligence, telles que l’imagination, l’esprit (Witz) ; soit métaphysiques, sur l’origine de la connaissance et sur les différentes espèces de certitude selon la diversité des objets (l’idéalisme, le scepticisme, etc.) ; soit anthropologiques, sur les préjugés, leurs causes et leurs remèdes ; ils n’en ont agi ainsi que parce qu’ils méconnaissaient la nature propre de cette science. Ce n’est pas étendre les sciences, mais les bouleverser, que de déplacer ainsi les bornes qui les séparent. » Kant, Préface de la 2« édition de la Critique de la Raison pure, in princip.