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DE LA PSYCHOLOGIE. 551

précision et de contrôle scientifique, tirés de l’emploi des nombres, trouvent encore leur place. La conception de l’ordre, des combinaisons et des chances est supérieure en abstraction et en généralité aux idées mêmes de l’espace et du temps ; par suite, les nombres régissent le monde intellectuel et moral comme le monde physique (36) ; et les chiffres de la statistique, habilement employés, peuvent encore mettre en lumière des combinaisons et un arrangement régulier que la complexité des causes et des effets ne permettrait pas de démêler dans l’observation des cas individuels. Souvent les procédés de la statistique ne font que donner plus de rigueur et de clarté à des notions qu’on acquiert par l’expérience de la vie, et qui se produisent sous forme de maximes générales ou d’aphorismes dans les écrits des philosophes et des moralistes, mais qui ne deviennent des éléments de recherches et de comparaisons scientifiques que lorsqu’elles ont été fixées par des chiffres. Ainsi, de quelque manière que l’on envisage la psychologie empirique, on ne voit pas qu’elle puisse être fondée sur des procédés d’observation essentiellement différents de ceux qu’on emploie dans les autres recherches scientifiques ; elle est dans le cas des autres sciences qui toutes ont leurs difficultés propres, auxquelles il faut accommoder les méthodes d’observation, en leur faisant subir des modifications diverses. Seulement les difficultés sont ici plus grandes, de manière à rendre les progrès plus lents et l’avènement de la forme vraiment scientifique beaucoup plus tardif.

375. — Outre cette psychologie empirique qui est une branche de l’anthropologie, et qu’on peut regarder en quelque sorte comme le couronnement de toutes les sciences naturelles, il y a sans doute une autre psychologie qui n’exige pas cet appareil d’observations, cette lente accumulation de faits détaillés, et qu’on ne doit pas plus ranger parmi les sciences dites d’observation, qu’on n’y rangerait l’arithmétique ou la géométrie, quoiqu’elle s’appuie sur quelques faits observables et observés, condition sans laquelle toute science serait chimérique. Il est clair qu’on peut étudier les conditions d’un raisonnement concluant, classer nos idées en diverses catégories, exposer les règles d’une bonne méthode, discuter la valeur des divers genres de preuves et d’inductions, invoquer des principes de morale, en poursuivre l’application à