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DE LA PSYCHOLOGIE. 543

tifique, il n’en faudrait nullement conclure qu’il n’y a rien à tirer des proverbes vulgaires et des méditations des philosophes au sujet des faits psychologiques ; il se trouverait seulement que la psychologie échappant au progrès indéfini qui n’appartient qu’aux connaissances enchaînées en systèmes scientifiques, la sagesse des temps anciens aurait recueilli de bonne heure tout ce qu’on peut tirer de vrai et d’utile de l’observation réfléchie des phénomènes psychologiques, tout ce que donne cette observation quand on ne la plie point à des hypothèses arbitraires et à des systèmes prématurés.

Ne retrouvons-nous pas, dans la psychologie ainsi conçue, le type de cette philosophie socratique, si vantée chez les Grecs et pourtant sitôt remplacée par les systèmes profonds ou subtils des hommes célèbres immédiatement sortis de l’école de Socrate ? A en juger d’après la tradition de l’antiquité, ne pourrait-on pas rapprocher l’étude de l’homme intellectuel et moral, telle que Socrate paraît l’avoir conçue, de la médecine hippocratique, pure de tout système, formée bien avant l’époque où l’on a pu songer à coordonner scientifiquement les faits pathologiques qui, de nos jours encore, donnent lieu à tant de théories éphémères, et pourtant déjà si riche en aphorismes profonds, en diagnostics judicieux, en prescriptions que leur sagesse a fait survivre à toutes les révolutions de la science ?

370. — S’il est, en effet, de la nature des faits psychologiques de se traduire en aphorismes plutôt qu’en théorèmes ; si du moins, jusqu’à présent, la supériorité des notions de l’homme éclairé sur celles du vulgaire, en ce qui touche à cet ordre de phénomènes, a été un fruit de la sagesse plutôt qu’une acquisition de la science, on en peut tirer cette conclusion pratique, que les travaux littéraires de la jeunesse doivent la préparer à l’observation de la nature morale et intellectuelle de l’homme, mais que la psychologie ne peut réellement pas être prise pour le sujet d’un cours élémentaire et dogmatique. L’expérience constate que l’enseignement oral n’est fructueux pour de jeunes intelligences qu’à condition de porter sur des idées précises, soumises à un enchaînement rigoureux. Là où la nature des choses ou l’imperfection de nos connaissances ont mis obstacle à l’exacte définition des idées et à leur enchaînement systématique, maîtres et élèves