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540 CHAPITRE XXIII.

petit d’un autre ordre, représente la vérité abstraite, le théorème identique pour les deux intelligences, en quelque langue qu’elles les pensent, et quelque peine ou quelque facilité qu’elles aient eue à les saisir ? Mais le bon sens repousse un échafaudage si compliqué et si gratuitement construit, une hypothèse qui, loin de rien expliquer, ne laisse pas même pressentir une explication possible.

367. — Tout ce qu’on a pu faire jusqu’ici, ça a été de tâcher de constater les liaisons de certains caractères organiques avec certaines aptitudes intellectuelles ou morales, sans pénétrer nullement dans le pourquoi de ces liaisons ; tandis que, pour les sensations animales, on entrevoit des rapports entre la construction de l’appareil sensible et, sinon la nature, du moins l’ordre et l’intensité des sensations produites. La doctrine de Gall sur la corrélation des aptitudes avec les développements des diverses régions des hémisphères cérébraux, développements traduits selon lui par les protubérances de leur enveloppe osseuse, est déjà un exemple remarquable des résultats auxquels peut conduire l’étude empirique des liaisons dont il s’agit ; quoique le célèbre auteur de cette doctrine se soit laissé entraîner prématurément, comme il arrive toujours, à construire un système dont les meilleurs esprits n’ont pu accepter les conséquences en ce qui dépasse les faits observés. On sent bien que l’expérience proprement dite, celle qui dispose artificiellement des circonstances de la production des phénomènes pour en constater l’indépendance ou en manifester la liaison, devient comme impossible dans ces régions supérieures de la psychologie ; il faut s’en tenir à l’observation des faits tels qu’ils se présentent à nous dans toute leur complexité. Que l’on songe à quel point cette complexité est prodigieuse en comparaison de la simplicité des phénomènes astronomiques, qui échappent aussi à l’expérience et qu’il faut se contenter d’observer tels qu’ils se déroulent à nous, et l’on comprendra sans peine combien doit être grande la difficulté de débrouiller l’ordre vrai, la subordination effective des phénomènes psychologiques à travers la complication des apparences. Cependant on peut approcher de la solution de ce beau problème, et l’on en approchera sans doute par une étude minutieuse, patiente et intelligente. On comparera les lésions et les altérations organiques, résul-