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530 CHAPITRE XXIII.

forme cette valeur lui sera fournie, car il pourra toujours par des opérations de banque, la réaliser sous la forme la mieux appropriée à ses besoins actuels, sauf à subir le déchet de valeur ou la perte résultant des frais de change et d’escompte, frais que la concurrence commerciale et le perfectionnement des rouages du commerce tendent sans cesse à ramener à leur minimum. Non seulement le banquier, mais le négociant et le fabricant qui opèrent sur des denrées proprement dites, ne voient dans ces denrées qu’une grandeur absolue et homogène, savoir, la valeur commerciale, réalisée sous des formes diverses. Une denrée a été matériellement consommée, mais sa valeur lui survit, et elle a passé dans une autre denrée produite. Au point de vue où se place l’économiste, dans l’ordre des idées et des faits qu’il analyse, il est exact de dire que la valeur ou une partie de la valeur de la denrée produite n’est qu’une transformation de la valeur de la denrée consommée.

359. — Supposons, afin de nous rapprocher des termes de notre premier exemple, que l’usine pour le service de laquelle est utilisée la force motrice du cours d’eau, soit une fabrique de poudre : de sorte que la force recueillie, après avoir circulé sous des formes diverses dans toutes les parties du système mécanique, aille finalement se dépenser et s’éteindre dans les chocs des pilons qui triturent et mélangent les matériaux dont la poudre est formée. Cette poudre est elle-même un agent mécanique des plus puissants ; elle sera employée à rompre, à projeter des quartiers de roches, à produire des chocs formidables ; elle recèle en un mot une force motrice qui n’attend qu’une étincelle pour se développer. Mais dirons-nous pour cela que la force motrice, dépensée par les pilons, a passé dans la poudre ; que cette force latente, possédée par la poudre, n’est que la transformation de la force primitivement fournie par le moteur et distribuée dans les diverses parties de l’appareil mécanique ? On ne pourrait exprimer ainsi qu’une idée fausse ; car il n’y a nulle proportion, nul rapport entre la force dépensée dans l’usine et la puissance mécanique de la poudre produite. L’une ne résulte point de l’autre ; la force primitive a été dépensée comme elle aurait pu l’être dans la trituration et le mélange de matières absolument inertes. Il faut faire intervenir, pour rendre raison des