Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/541

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE LA PSYCHOLOGIE. 529

être ce qu’il y a de plus propre à lever l’ambiguïté qui s’y trouve.

358. — Ouand un ingénieur se propose d’employer à la production d’un effet mécanique déterminé la force vive engendrée par un agent naturel, celle d’un cours d’eau par exemple, il imagine un appareil qui recueille d’abord la force vive à mesure qu’elle se produit, l’accumule et la met en réserve, pour la dépenser ensuite uniformément, lors même que le moteur serait sujet à des intermittences d’action. D’autres parties de l’appareil sont destinées à distribuer et à transmettre la force vive dans différentes directions, jusqu’à ce qu’elle arrive aux pièces qui, par leur configuration et par le jeu de leurs parties, sont spécialement appropriées à la production des différents effets mécaniques pour lesquels la force vive est recueillie et dépensée. Or, l’étude des lois de la mécanique nous apprend que l’ingénieur agit dans cette circonstance sur la force vive mise à sa disposition par la nature, comme le statuaire agit sur la masse d’argile qu’il pétrit à son gré, et à laquelle il fait successivement prendre, quitter et reprendre telles formes qu’il lui plaît. Après avoir résidé un moment dans l’arbre de la maîtresse roue, la force vive va, par l’inter- médiaire d’engrenages, passer dans des balanciers, des volants, des pistons ; ici elle déterminera des mouvements circulaires, là des mouvements rectilignes ; ici des mouvements de va-et-vient, là des mouvements continus. Peu importe l’état sous lequel la force vive est primitivement donnée ; car le mécanicien peut toujours (du moins en théorie, et sauf à subir dans la pratique un déchet que le perfectionnement de l’art tend sans cesse à réduire) amener cette force vive à l’état le mieux approprié au but final qu’il se propose. On s’exprimera donc convenablement en disant que l’appareil mécanique ne fait que transformer une quantité donnée de force vive, ou que la force vive qui se transmet d’une partie de l’appareil à une autre est la même force transformée.

De même, lorsqu’un banquier échange des espèces contre d’autres, de l’argent contre de l’or, de l’or contre du papier, des billets à vue contre des billets à échéance, du papier payable sur une place contre une traite sur une place éloignée, il ne fait que transformer, selon les besoins de son négoce, une valeur toujours identique au fond. Peu lui importe sous quelle

34