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476 CHAPITRE XXI. au point de vue des difficultés qu'elles présentent. Ainsi la philosophie, sous le nom de métaphysique, a été regardée par le vulgaire comme la région des abstractions les plus fati- gantes pour la pensée, et bien des philosophes semblent avoir pris à tâche de justifier cette opinion. D'autres n'ont cessé de dire au contraire que la saine philosophie ou la saine métaphysique est ce qu'il y a au monde de plus simple et de plus clair. Or, les sciences positives ne sauraient donner lieu à de telles contradictions. La méthode adoptée dans l'expo- sition d'une science, la clarté ou l'obscurité du style, le choix des notations ou de la terminologie, peuvent en rendre l'intel- ligence plus ou moins difficile, mais non intervertir complè- tement l'ordre des difficultés, abaisser au niveau des éléments les sommités de cette science, ou reporter jusqu'aux sommités les notions que d'autres réputent élémentaires. Ceci nous montre bien que la philosophie ne peut être rapprochée de la science, en ce sens qu'elle en formerait, soit le premier, soit le dernier échelon. C'est le produit d'une autre faculté de l'intelligence, qui, dans la sphère de son activité, s'exerce et se perfectionne suivant un mode qui lui est propre. C'est aussi quelque chose de moins impersonnel que la science. La science se transmet identiquement par l'enseignement oral et dans les livres ; elle devient le patrimoine commun de tous les esprits, et dépouille bientôt le cachet du génie qui l'a créée ou agrandie. Dans l'ordre des spéculations philosophiques, les développements de la pensée sont seulement suscités par la pensée d'autrui ; ils conservent toujours un caractère de per- sonnalité qui fait que chacun est obligé de se faire sa philo- sophie. La pensée philosophique est bien moins que la pensée poétique sous l'influence des formes du langage, mais elle en dépend encore, tandis que la science se transmet sans modi- fication aucune d'un idiome à l'autre. . — Quand nous distinguons la religion, la morale, la poésie, l'histoire, la philosophie, la science, comme répondant à des facultés diverses de notre nature, ce n'est pas à dire que ces facultés puissent se développer avec une indépendance absolue, et qu'il n'y ait pas à signaler entre elles des con- nexions étroites ou même des pénétrations intimes. L'anato- miste distingue avec raison, dans la structure du corps humain, les systèmes artériel, veineux, lymphatique, nerveux.